Les maisons de naissance offrent une prise en charge et un suivi global moins technicisés pour les grossesses à bas risque. Si ces structures existent depuis plus de 40 ans dans d’autres pays occidentaux et ont fait la preuve de leur sécurité, la France, très en retard, continue son déploiement sur le territoire. Des lieux précieux qui méritent que l’on s’y intéresse !

9 maisons de naissance
sont actuellement ouvertes en France (1)
- de 0,1% des accouchements
se sont passés dans des maisons de naissance en France en 2018. Au Royaume-Uni, cela concerne 15% des accouchements (2)
90% des femmes
pensent que c’est une bonne idée pour accueillir la naissance de leur enfant (3)
La naissance, un moment clef toujours questionné

La naissance, un moment clef toujours questionné

Concilier technicité et bien-être

Bien que le suivi des femmes et l’accouchement aient bénéficié d’avancées historiques, des améliorations sont encore nécessaires, non pas tant en termes de technicité, mais plutôt en matière d'accompagnement humain et de santé préventive. En février 2018, l'Organisation Mondiale de la Santé a publié des recommandations4 soulignant l'importance d'une approche périnatale plus holistique. Le rapport insiste sur la nécessité de fournir des soins périnataux non seulement efficaces sur le plan clinique, mais également axés sur le bien-être des femmes, en veillant à ce qu'elles se sentent en sécurité et à l’aise durant le travail et l'accouchement.

L'OMS observe que la médicalisation accrue de l’accouchement, caractérisée par le recours systématique à des interventions pour déclencher, accélérer, réguler et surveiller le travail, a pu éroder la confiance des femmes en leur capacité à donner naissance et transformer ce qui devrait être une expérience positive. Ces recommandations insistent donc sur l'importance de soins respectueux, d’un soutien émotionnel, de la continuité des relations avec les soignants… 

 

Des efforts dans le sens d’une médicalisation raisonnée

Même si la France n’a pas une culture de l’accouchement physiologique ou de l’accouchement à la maison, comme au Royaume-Uni par exemple, depuis une dizaine d’années, on s’interroge beaucoup sur la médicalisation des accouchements, remarque Clara Rollet, sage-femme et doctorante en épidémiologie1.

L’Organisation Mondiale de la Santé en 2018 publiait des recommandations pour mettre en garde contre l’utilisation excessive d’intervention pendant le travail. Un mouvement inverse à la médicalisation commence à s’observer alors en maternité et de plus en plus, les équipes essaient de laisser le travail se faire et cherchent à limiter les interventions. Les indicateurs de médicalisation comme les extractions instrumentales ou les césariennes sont stables. En revanche, il faut noter que le recours au déclenchement augmente. De même, des propositions pour accoucher autrement au sein des maternités ont été créées, comme les salles « nature », les filières physiologiques ou les plateaux techniques même si cela est encore loin d’être la norme en France. Tous ces efforts sont cohérents avec l’apparition des maisons de naissance. Cela va dans le sens d’une approche plus physiologique de l’accouchement. 

 

Les maisons de naissance : une autre offre de soin

Les maisons de naissance apportent une transformation significative de l'offre de soins en périnatalité, en proposant un modèle innovant et centré sur la patiente. Ce modèle repose sur trois piliers5

  1. Un parcours de soins intégré et diversifié : les maisons de naissance combinent des soins en ville, en structure et à domicile, assurant ainsi une continuité et une cohérence dans l'accompagnement des femmes.
  2. Un suivi personnalisé et continu : chaque femme est accompagnée par la même sage-femme ou un binôme connu tout au long de sa grossesse, garantissant un lien de confiance et une prise en charge optimisée.
  3. Un accent mis sur la promotion de la santé tout en limitant les interventions médicales et les risques iatrogènes associés.

Un déploiement fragile6

La France accuse un retard important sur ses voisins européens. À l'étranger, les maisons de naissance, beaucoup plus nombreuses, font partie intégrante du système de santé, assurant ainsi leur viabilité financière. À la suite d’une expérimentation menée entre 2015 et 2020, qui a été largement saluée pour avoir démontré que ces structures répondaient de manière sécurisée à un besoin réel, 12 nouvelles maisons de naissance devaient ouvrir sur le territoire avant la fin de l'année 2022. En réalité, aucune nouvelle maison n'a vu le jour dans le cadre de cette pérennisation.

Situation des maisons de naissance à l’étranger en 2023 :

Suisse : 1 pour 4 000 accouchements
Pays-Bas : 1 pour 7 000 accouchements
Allemagne : 1 pour 7 500 accouchements
États-Unis : 1 pour 10 000 accouchements
Australie : 1 pour 10 000 accouchements
Canada : 1 pour 17 000 accouchements
France : 1 pour 90 000 accouchements

Qu’est-ce qu’une maison de naissance ?

Qu’est-ce qu’une maison de naissance ?

Un dispositif aux contours bien définis7

 

Les maisons de naissance sont des structures autonomes placées sous la responsabilité exclusive de sages-femmes. Elles offrent un accompagnement personnalisé aux femmes enceintes souhaitant un accouchement moins médicalisé, et ne présentant aucun facteur de risque identifié. Ces structures, conventionnées avec un établissement de santé auquel elles sont contiguës, proposent une prise en charge allégée du suivi de grossesse, de l’accouchement et du post-partum. Cependant, elles n’assurent ni l’hébergement des parturientes et de leurs nouveau-nés, ni la gestion des urgences obstétricales. Ces établissements s'adressent exclusivement aux femmes enceintes à bas risque (pas de pathologie, de grossesse multiple, de présentation en siège, d’antécédent de césarienne…). Sur les 9 maisons de naissance présentes actuellement en France, 8 ont vu le jour dans le cadre d’une expérimentation autorisée en 2013. Depuis, elles ont sollicité et obtenu la possibilité de poursuivre leur activité. Et une 9ème maison de naissance a été créée à Aubagne en 2024.

Le cadre légal8

- Le décret n° 2021-1526 du 26 novembre 20219 a pour objet de définir les conditions dans lesquelles peuvent être créées les maisons de naissance ainsi que les principes généraux de leur fonctionnement.

- Le décret n° 2021-1768 du 22 décembre 202110 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des maisons de naissance définit les conditions et principes généraux de fonctionnement des maisons de naissance (notamment les locaux et personnels de ces structures).

- L’arrêté du 22 décembre 202111 fixe le contenu du dossier de demande de création des maisons de naissance, la composition de leur charte de fonctionnement ainsi que le contenu de leur rapport d’activité annuel.

Une maison de naissance est aussi un lieu associatif de partage autour de la naissance et de la parentalité que les parents et futurs parents peuvent investir et s’approprier. Ce lieu permet notamment de rompre l’isolement auquel font parfois face les parents. En tant que tel, il joue un rôle important dans la préparation sereine de l’accueil de l’enfant et dans la prévention de la dépression du post-partum.6

Collectif des maisons de naissance

Un accouchement plus naturel 6 

La technicité entourant la naissance peut donner à certaines femmes et couples le sentiment de perdre le contrôle d’un moment clef de leur vie. En respectant la physiologie de l’accouchement, ils peuvent redevenir acteurs de cet événement. Les maisons de naissance répondent à ce besoin d’autonomie en offrant un environnement propice à un accouchement naturel : 

- l’absence de péridurale et la restriction d’actes médicaux systématiques : perfusion, monitorage fœtal continu, rupture artificielle de la poche des eaux, injection d’ocytocine, aspiration oropharyngée du nourrisson…

- un lieu agréable et confortable : lumières tamisées, lit double confortable, ameublement chaleureux, baignoire… Les maisons de naissance ressemblent à de véritables petites maisons, avec des chambres, une cuisine, des lieux pour échanger et se retrouver.

- l’intimité du couple est préservée : présence unique de la sage-femme (ou du couple de sages-femmes) avec laquelle s’est établi un lien de confiance tout au long de la grossesse.

- le contact avec le nouveau-né est continu durant les premières heures qui suivent la naissance.

- un retour à la maison très précoce : dans les quelques heures qui suivent l’accouchement si tout va bien.

Immersion dans l’eau, positions, techniques respiratoires… les sages-femmes qui travaillent en maisons de naissance sont d’autant plus formées à la gestion de la douleur non médicamenteuse. Mais si la douleur n’est plus supportable, le transfert en maternité est toujours possible en cours de travail. 1

Clara Rollet Clara ROLLET Sage-femme et doctorante en épidémiologie.

Les conditions qui sécurisent l’accouchement12

La maison de naissance doit être contigüe à une maternité avec laquelle elle passe obligatoirement une convention et avec laquelle un accès direct est aménagé, permettant, notamment, un transfert rapide des parturientes en cas de complications. Tout le long du suivi de grossesse en maison de naissance, le niveau de risque de la grossesse est évalué afin de vérifier qu’il reste bas. En cas d’apparition de facteurs de risque, la sage-femme oriente la femme enceinte vers un gynécologue-obstétricien pour avis sur la poursuite ou non de la prise en charge de la grossesse en maison de naissance. De même, toutes les patientes doivent bénéficier d’une consultation préanesthésique au sein de la maternité partenaire au cas où un transfert se ferait lors de l’accouchement. En maison de naissance, la prise en charge de la patiente tient compte des impératifs d’une éventuelle prise en charge ultérieure plus médicalisée (anesthésie, transfusion…)

 

La prise en charge du nouveau-né

Les maisons de naissance assurent une prise en charge complète et sécurisée du nouveau-né12, incluant le dépistage de pathologies ou de risques non identifiés pendant la grossesse. À la naissance, la sage-femme effectue les premiers examens de l'enfant, complète le carnet de santé et autorise la sortie très précoce du nouveau-né. Si un transfert est nécessaire, il est réalisé selon les termes de la convention avec la maternité partenaire, avec les premiers soins assurés en attendant ce transfert.

Le suivi postnatal à la maison inclut des visites rapprochées, souvent quotidienne la première semaine, pour s’assurer de la bonne santé de la maman et de son bébé. La surveillance du nouveau-né suit les recommandations de la HAS pour les sorties précoces (test sanguin, dépistage de l’ictère…) et tous les résultats sont consignés dans le dossier médical de l'enfant. De même, la maison de naissance s’assure que l’examen médical des huit premiers jours est planifié. 

Des-retours-rassurants-et-positifs

Des retours rassurants et positifs

Des soins efficaces et de qualité

Anne Chantry, sage-femme et docteure en santé publique a mené une étude épidémiologique en 2018 pour évaluer la qualité des soins en maisons de naissance en France13. 649 femmes y ont été prises en charge, dont 143 ont été transférées en maternité en cours d’accouchement. Dans 87% des cas il s’agissait de situations hors contexte d'urgence, principalement pour direction du travail, ou prise en charge de la douleur par moyens médicamenteux (type analgésie péridurale). Parmi les femmes ayant accouché en maisons de naissance, on notait très peu d’interventions

• moins de 3% de ruptures artificielles des membranes
• moins de 2% d’épisiotomies
• 90,5% des femmes ayant eu un travail en maison de naissance ont accouché par voie basse spontanée, 6,5% par voie instrumentale et 3% par césarienne
• 31% ayant reçu une administration préventive d'ocytocine à l'accouchement.

 

Des situations de gravité peu fréquentes

En France, 3 à 4 % des femmes à bas risque ont connu une issue maternelle ou néonatale défavorable grave, quel que soit le lieu d'accouchement prévu. L’étude comparative sur les issues des femmes suivies pendant le travail en maternité ou en maisons de naissance, menée par Clara Rollet, sage-femme et doctorante en épidémiologie14, le confirme. En effet, il n’y a pas plus ou moins de risques pour les enfants qui naissent en maisons de naissance par rapport à une maternité. Pour les mères également, les résultats sont très favorables.

Malgré tout, l’étude a mis en évidence une légère augmentation du risque d’hémorragie sévère du post-partum chez les femmes suivies en maisons de naissance pendant le travail par rapport à celles suivies en maternité, peut-être en partie dû à la moindre administration prophylactique d’ocytocine après la naissance. Sur ce petit échantillon de mamans concernées, il n’y a cependant pas eu de différence en ce qui concerne les traitements de deuxième ligne de l’hémorragie. Les issues sur le mode d’accouchement étaient très favorables puisque dans cette étude, les femmes suivies en maisons de naissance avaient presque deux fois moins de risque d’accouchement par césarienne ou extraction instrumentale par rapport à celles suivies en maternité.

 

Notion de salutogénèse

Plutôt que d’aller chercher les causes des pathologies, il s’agit de se concentrer sur tout ce qui maintient et favorise la santé et le bien-être. Les maisons de naissance, par leurs spécificités, œuvrent particulièrement en ce sens ; en limitant les interventions et leur iatrogénie associée, en encourageant un sentiment d’autonomie et de responsabilité chez la femme, en promouvant activement la santé et le bien-être par des soins préventifs. Rien que le principe du One to one, c’est-à-dire une sage-femme disponible pour une seule femme qui accouche, permet un soutien empathique et continu pendant le travail et l’accouchement, aux effets extrêmement bénéfiques. D’après Clara Rollet, sage-femme et doctorante en épidémiologie1, les maisons de naissance offrent un cadre probablement protecteur sur tout ce qui touche la santé mentale dans le post-partum ainsi que les vécus traumatiques en lien avec l’accouchement.

Cela m’a vite intriguée, la question d’accoucher seulement avec des sages-femmes, dans un milieu protégé, mais moins médicalisé. À la « Maison », on arrive et on sait que c’est soit Fred, soit Maud, soit Marion… on les connaît déjà et elles nous connaissent déjà… ainsi que notre projet de naissance. C’est tellement important pour moi, d’être dans un environnement connu. C’est notre choix, notre moment, notre parentalité, et eux sont là pour l’accompagner, pour la soutenir (…) Je me sens préparée. On a travaillé l’acupression, les chants prénataux (…) Je suis rassurée sur ma capacité à enfanter. Je sais que mon corps est fait pour.15

Marylou, future maman « La Maison », maison de naissance de Grenoble

Le cœur de l’accompagnement à la naissance c’est d’être suivie par une personne qui sera ressource tout du long et qui permettra à la femme de faire grandir la confiance en elle, en ses capacités à devenir parent (…) Cet accompagnement global se fait des 2 ou 3 mois de la grossesse jusqu’aux 2 mois de l’enfant. Cela donne le temps de construire une relation mutuelle, de laisser le couple cheminer dans les moments de découverte, de nouveautés, parfois de difficultés (…) Tout le monde a sa place, cela peut être vraiment une aventure familiale ! On part du postulat que les parents, avant même la naissance, sont ceux qui connaissent le mieux leur enfant. 16

Éva et Fanny, sage-femmes « CALM » (Comme à la maison), maison de naissance à Paris

Un écho favorable auprès des femmes

D’après une enquête IFOP2, parce les maisons de naissance sont peu implantées sur le territoire français, leur notoriété reste assez peu élevée : seule un peu plus d’une femme sur quatre en a déjà entendu parler. Cependant, après l’exposition d’une petite présentation des maisons de naissance, les femmes interrogées expriment un très fort attrait et soutien pour le développement de ces dernières. 

- 9 femmes en âge d’avoir des enfants sur 10 sont séduites par l’idée et jugent qu’il s’agit d’une bonne alternative aux parents pour accueillir la naissance de leur enfant.

- 85% des répondantes sont favorables à l’ouverture de nouvelles maisons de naissance en France

- 6 femmes sur 10 souhaiteraient elles-mêmes (ou auraient souhaité) avoir un suivi et un accouchement en maison de naissance.

Sources

1 Entretien réalisé pour les Laboratoires Expanscience en octobre 2024 avec Clara ROLLET, sage-femme et doctorante en épidémiologie

2 https://www.fondationmustela.com/fr/prix-et-bourses/bourse-de-recherche-en-maieutique/2020-clara-rollet

3 https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2024/05/120652-Presentation-et-synthese-communication.pdf

4 https://static.cnsf.asso.fr/wp-content/uploads/2022/07/LY1898BRO-Midwifery-Unit-Network-Standards_French_16.06.2022.pdf

5 Rapport d’étude sur la qualité des soins prodigués en maisons de naissance. Autrices : Anne Chantry, Priscille Sauvegrain, Ingele Roelens, Candy Guiguet-Auclair, Sophie Goyet, Françoise Vendittelli

6 https://www.mdncalm.org/wp-content/uploads/2023/05/Dossier-de-presse-Collectif-des-maisons-de-naissance-francaises-2023.pdf

7 https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/structures-de-soins/article/les-maisons-de-naissance

8 http://doumaia.fr/lassociation/#le-cadre-legal

9 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044376702

10 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044554310

11 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044554501

12 https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2014-09/cahier_charges_maisons_naissance_230914.pdf

13 https://www.ined.fr/fr/actualites/rencontres-scientifiques/les-lundis/qualite-des-soins-prodigues-en-maisons-de-naissance-en-france-en-2018/

14 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39278816/

15 https://www.youtube.com/watch?v=w-NMS3pSCIk

16 https://www.youtube.com/watch?v=99tRitKnBAg