Alors étudiante en sociologie de la santé à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Maud Arnal est sage-femme à la maternité des Lilas, en Seine-Saint-Denis. Elle a reçu une bourse de la Fondation Mustela pour son projet de recherche de Master 2 intitulé "Des douleurs de la mise au monde aux "doux leurres" des représentations".
À la fois qualitative et quantitative, la recherche de Maud Arnal répondait à trois objectifs principaux : analyser les représentations de la douleur des parturientes ; mettre en évidence une relation entre ces représentations et leur consentement au type de prise en charge ; définir les enjeux liés au contrôle de la douleur en obstétrique. Et elle cherchait à répondre à une question centrale : quelle est la place du choix des femmes dans la gestion des douleurs de la mise au monde, au regard des techniques proposées par les sages-femmes ?
Ce projet est né d’un constat : 80% des parturientes françaises ont recours à une péridurale, contre 47% en Angleterre ! Centrale en maïeutique, la gestion de la douleur est pourtant absente des débats politique et public. Maud Arnal a donc souhaité éclairer d’un jour nouveau les pratiques d’accompagnement des sages-femmes et contribuer ainsi à la réflexion sur l’adéquation – ou non – des pratiques obstétricales actuelles. Elle s’est appuyée sur son expérience aux Lilas, puisque cette maternité jouissait déjà à l'époque d’une réputation de prise en charge alternative de l’accouchement (massage, respiration, chant, acupuncture, sophrologie, bains, hospitalisation non systématique des femmes dont la poche des eaux est rompue prématurément…).
Au-delà, cette recherche a permis d’affiner les recommandations en physiologie obstétricale et d’améliorer la santé périnatale. Un sujet déjà d’une grande actualité, puisque les restructurations hospitalières dictées par les impératifs budgétaires tendaient à médicaliser et à uniformiser les pratiques professionnelles.
Entretien avec Maud ARNAL
Sage-femme à la maternité des Lilas, je suis également étudiante en sociologie de la santé. Je m’intéresse à la pertinence des pratiques obstétricales actuelles, notamment à la place du choix des parturientes dans la gestion des douleurs de l’accouchement et de la naissance en France.
Une recherche clinique et sociologique
Analyser les représentations de la douleur des parturientes, puis les modes de prise en charge employés ; définir les enjeux liés au contrôle de la douleur en obstétrique ; qualifier les pratiques d’accompagnement des sages-femmes : tels sont les trois objets de ma recherche. L’évaluation des pratiques professionnelles sera effectuée grâce à une enquête menée à la maternité des Lilas, où j’exerce depuis octobre 2011. Cette maternité jouit en effet d’une réputation de prise en charge « alternative » de l’accouchement précieuse pour ma thématique : massage, respiration, chant, acupuncture, sophrologie, bains…
Le volet qualitatif, destiné à analyser le processus décisionnel de gestion des douleurs, sera complété par un volet quantitatif, avec l’analyse prévue de 400 questionnaires destinés aux accouchées.
Bien-être et bien-naître
Mon objectif est d’améliorer l’information des usagers et la vigilance des professionnels de santé sur les enjeux liés au contrôle de la douleur en obstétrique. En effet, l’analgésie péridurale concerne près de 80 % des femmes françaises, contre 47 % au Royaume-Uni ! Pour les sages-femmes, chargées de la physiologie obstétricale, l’enjeu est donc crucial. Il s’agit rien moins que du bien-être des mères et du bien-naître des nouveau-nés…