Maternités labélisées "Initiative Hôpital Ami des Bébés" et santé périnatale des mères et des nouveau-nés : données de l’Enquête Nationale Périnatale 2021

À l’issue d’un parcours hospitalier et parallèlement à ses fonctions d’enseignante à l’école de sages-femmes du CHU de Lille, Madeleine Santraine consacre sa thèse en épidémiologie au sujet suivant : "Maternités labélisées IHAB (Initiative Hôpital Ami des Bébés) et santé périnatale des mères et des nouveau-nés : données de l’Enquête nationale périnatale 2021 (ENP)" (Inserm/université de Paris).

Forte de son expérience clinique, Madeleine Santraine étudie l’impact du label IHAB sur la santé des femmes et des nouveau-nés (hors initiation de l’allaitement) au sein de l’équipe EPOPé (Épidémiologie Périnatale Obstétricale et Pédiatrique) « qui promeut depuis de nombreuses années l’universitarisation des sage-femmes ».

Jusqu’à présent, l’évaluation de la démarche IHAB s’est surtout concentrée sur l’allaitement. Or elle embrasse tout le champ de la périnatalité et concerne au premier chef la profession de sage-femme. Ainsi, la lauréate s’intéressera à l’accompagnement de la grossesse et de la naissance : pratique du « peau à peau » en salle de naissance ; vécu de la grossesse et de l’accouchement, puis du séjour en maternité. À cet effet, elle utilisera les données de l’ENP 2021 et celles du Système national des données de santé (SNDS).
 

Entretien avec Madeleine SANTRAINE

À l’issue d’un parcours hospitalier et parallèlement à ses fonctions d’enseignante à l’école de sages-femmes du CHU de Lille, Madeleine Santraine consacre sa thèse en épidémiologie au sujet suivant : « Maternités labélisées IHAB (Initiative Hôpital Ami des Bébés) et santé périnatale des mères et des nouveau-nés : données de l’Enquête nationale périnatale 2021 (ENP) » (Inserm/université de Paris).
 

Qu’est-ce que le label IHAB ? Combien la France compte-t-elle de maternités labélisées ?

L’initiative des « hôpitaux amis des bébés » a été lancée en 1991 par l’OMS pour répondre à la baisse des taux d’allaitement dans le monde. Le défi initial était de proposer une approche systémique et universelle pour promouvoir l’allaitement. Cette réflexion a conduit à l’élaboration des dix étapes pour réussir l’allaitement maternel en maternité. Puis au fil du temps, ce label a évolué vers la promotion de soins globaux pour les mères et les nouveau-nés, un changement de paradigme qui a permis d’inclure les enfants non allaités dans le champ d’action. En France, la coordination est assurée par IHAB France et les dix étapes ont été déclinées en trois grands principes et douze recommandations. Depuis la première labélisation de Lons-le-Saunier (Jura), en 2000, le nombre de maternités labélisées n’a cessé d’augmenter pour atteindre 67 maternités en 2023, représentant 12% des naissances annuelles en France.
 

Quelle est votre hypothèse concernant l’allaitement chez les femmes ayant accouché dans une maternité IHAB ?

L’effet positif de la démarche IHAB sur le taux d’initiation à l’allaitement maternel est connu. Nous souhaitons voir si cet effet sur l’accompagnement des femmes allaitantes est prolongé après la sortie de la maternité. En effet, une des recommandations IHAB est la constitution d’un réseau ville-hôpital efficace permettant d’assurer la continuité de l’accompagnement dispensé en maternité. Le vécu des mères, par la mesure de l’expérience patient, va également nous permettre d’appréhender le ressenti des femmes quel que soit le mode d’alimentation choisi. Notre hypothèse repose sur le fait que la démarche qualité rigoureuse de l’IHAB, reconnue d’ailleurs par la Haute Autorité de Santé, permet aux équipes des maternités labélisées de faire évoluer leurs pratiques globales d’accompagnement des parents. L’IHAB pourrait fournir à la fois un référentiel scientifique mais également une méthode efficace.
 

Vous formulez aussi des hypothèses sur le peau à peau et le vécu de l’accouchement. Quelles sont-elles ?

Les bienfaits du recours au peau à peau à la naissance sont universellement reconnus et sa pratique vise à se généraliser. Selon l’Enquête nationale périnatale de 2021, 84 % des nouveau-nés ont reçu un contact immédiatement à la naissance, mais ce taux descend à 56 % après une césarienne. L’IHAB pourrait permettre d’aider les équipes à lever les freins à sa généralisation quelle que soit la voie d’accouchement.
 

Sur quelles sources s’appuie votre recherche ?

Nous allons pouvoir nous appuyer sur la base de données de l’Enquête nationale périnatale (ENP) de 2021. Il s’agit d’une enquête de grande ampleur, regroupant toutes les femmes ayant accouché entre les 15 et 21 mars 2021, soit plus de 13 000. Pour cette édition 2021 de l’ENP, les femmes étaient interrogées lors du séjour en maternité et pour celles qui le souhaitaient, également aux 2 mois de l’enfant, permettant ainsi d’explorer la période du post-partum. Nous disposons également des données concernant les 453 maternités (sur 456 en France) qui ont participé, grâce à un questionnaires détaillé, ce qui permet de connaître les particularités de fonctionnement de chacune. Cette source d’information fiable et importante est une opportunité d’étudier la thématique de l’IHAB qui reste très peu analysée dans notre pays.
 

Quelles pourraient être les suites pratiques de cette recherche ?

Notre travail pourrait permettre de valoriser une démarche qui peine à s’implanter en France, alors que dans des pays européens tels que la Norvège ou la Suède, près de 100 % des maternités sont labélisées. L’évaluation du vécu des mères permettra également de mieux comprendre les interactions entre les professionnels de la périnatalité et les parents, et de fournir des éléments précieux pour l’amélioration de nos pratiques.