Agathe Valin consacre sa recherche de Master 2 en biostatistiques et méthodologie de la recherche à l’université Paris-Saclay « aux effets du projet de naissance sur la prise en charge effective au cours du travail, de l’accouchement et de ses suites, ainsi que sur les issues obstétricales et la satisfaction des femmes ». Mené en collaboration avec le Conseil national des sages-femmes, ce projet s’appuie sur les données de l’enquête nationale périnatale de 2021.
Après une carrière de sage-femme hospitalière et libérale, Agathe Valin s’est orientée vers la recherche publique. En menant à bien ce nouveau projet, elle espère proposer une approche globale du projet de naissance, depuis la préparation durant la grossesse jusqu’à l’accouchement. À l’heure actuelle, en effet, l’adéquation entre projet de naissance et prise en charge effective en salle de travail reste mal connue.
En tout état de cause, les femmes se saisissent encore peu de cet outil : 10 % d’entre elles seulement, selon les données de 2021. Il figure pourtant, depuis trois ans, dans le Manuel de certification des maternités de la Haute Autorité de santé. Quant au Collège national des gynécologues et obstétriciens français, il a publié des directives qualité pour accompagner les femmes dans la rédaction de leur projet de naissance en juillet 2023. La recherche d’Agathe Valin est donc d’une grande actualité et pourrait permettre d’améliorer les pratiques de salle de naissance et les décisions en matière de santé publique.
Entretien avec Agathe VALIN
À l’université Paris-Saclay, Agathe Valin consacre sa recherche de Master 2 « aux effets du projet de naissance sur la prise en charge effective au cours du travail, de l’accouchement et de ses suites, ainsi que sur les issues obstétricales et la satisfaction des femmes ». Mené en collaboration avec le Conseil national des sages-femmes, ce projet s’appuie sur les données de l’enquête nationale périnatale de 2021. Inscrit depuis trois ans dans le Manuel de certification des maternités de la Haute Autorité de santé, le projet de naissance a aussi fait l’objet de directives qualité du Collège national des gynécologues et obstétriciens français en juillet.
Qu’est-ce que le « projet de naissance » ?
Le projet de naissance (PDN) est un outil de communication, souvent formalisé, utilisé par les futurs parents pour présenter leurs souhaits quant au déroulement de la grossesse, de la naissance de leur enfant, mais aussi du postpartum. Ce document, la plupart du temps écrit, a pour ambition de faciliter le dialogue entre le couple parental et l’équipe médicale. Il vise à favoriser une prise en charge la plus personnalisée et respectueuse des choix de chacun, tout en maintenant la sécurité de la mère et de l’enfant.
Est-il couramment utilisé et si non, pourquoi ?
Malgré les recommandations de la Haute Autorité de santé de 2005, l’utilisation du PDN reste limitée. Ainsi, l’enquête nationale périnatale de 2021 indique que 10% seulement des femmes se sont saisies de cet outil en France. Certes, c’est trois fois plus que dans l’édition 2016 de la même enquête, mais l’utilisation du PDN demeure confidentielle et réservée à certains profils de femmes. Un manque de visibilité et de promotion auprès des femmes enceintes ou encore la perception négative du PDN par certains soignants peuvent en partie expliquer ce faible taux.
Qu’en est-il ailleurs ?
Hors de France, l’élaboration d’un tel document est encouragée dans de nombreux pays, comme le Royaume-Uni, l’Australie ou les États-Unis. Certaines études internationales rapportent des taux d’utilisation du PDN variant de 20 à 50% ; ces chiffres sont cependant à interpréter avec prudence en raison de biais méthodologiques fréquents.
Quel est l’objectif principal de votre recherche ?
Ce projet de recherche vise à évaluer l’effet des demandes formulées dans le cadre d’un PDN sous trois aspects : la prise en charge pendant l’accouchement, les résultats obstétricaux, maternels et néonataux, ainsi que la satisfaction des femmes. En d’autres termes, l’objectif est d’étudier les bénéfices potentiels du PDN sur la prise en charge périnatale et le vécu des femmes. Si les résultats sont positifs, les conclusions de cette étude plaideront en faveur d’une évolution des comportements et des pratiques, notamment en salle de naissance.
Sur quelles données vous appuyez-vous ? Comment les analysez-vous ?
Nous utilisons des méthodes de recherche quantitative et procédons pour cela à une analyse épidémiologique des données de la dernière enquête nationale périnatale, qui inclut la totalité des naissances survenues au cours d’une semaine en mars 2021 dans l’ensemble des maternités françaises. Les informations du dossier médical, ainsi que les réponses aux questionnaires renseignés à 48 heures et 2 mois après l’accouchement, permettront de décrire les caractéristiques socio-démographiques des femmes ayant rédigé un PDN et de mener différentes analyses statistiques pour étudier l’association entre les souhaits exprimés dans le PDN et la prise en charge périnatale.
Quelles pistes envisagez-vous pour un meilleur usage du projet de naissance ?
Si l’utilisation du PDN est effectivement associée à une prise en charge plus individualisée et une meilleure expérience de la naissance, sa démocratisation auprès des couples parentaux constituera alors un enjeu majeur. Celle-ci pourrait reposer, d’une part, sur une meilleure information et sensibilisation des parents, et d’autre part, sur une participation plus active de l’équipe soignante à l’élaboration du projet. En effet, une approche collaborative entre parents et soignants semble essentielle pour concilier au mieux les souhaits du couple avec les exigences médicales, et ainsi améliorer l’expérience périnatale.