Antalgie du nouveau-né prématuré par interventions maternelles lors d’un prélèvement veineux : efficacité, vécu des parents et des soignants (étude Premamandol)

La Bourse de Recherche Vulnérabilités a été attribuée à Élodie Rabatel, puéricultrice en néonatologie au CHU de Strasbourg, pour son projet de recherche consacré à « l’antalgie du nouveau-né prématuré par interventions maternelles lors d’un prélèvement veineux : efficacité, vécu des parents et des soignants (étude Premamandol) ». Partageant son temps entre soin et recherche clinique, Élodie Rabatel suit actuellement un Master 2 en recherche et innovation en soin à l’université Sorbonne Paris Nord, en formation continue.

Dans ce cadre, elle souhaite évaluer au sein de son service hospitalier une approche pragmatique d’intégration plus fréquente des parents dans les soins à leur nouveau-né hospitalisé, en particulier pour le traitement de la douleur procédurale. En effet, les nouveau-nés grand prématurés (nés avant 32 semaines d’aménorrhée) doivent bien souvent subir, dès les premiers instants de vie, la séparation d’avec leur mère et des stimulations stressantes et douloureuses répétées, comme la ponction veineuse. Or, si les scores de douleur durant ce geste sont plus bas lorsqu’un parent est présent, aucune étude systématique n’a été menée pour l’établir de manière contrôlée.

C’est tout l’objet de cette recherche : évaluer l’efficacité d’une stratégie antalgique non pharmacologique maternelle, qui associe le contact vocal, l’enveloppement manuel, l’agrippement du doigt, l’administration d’une solution sucrée et la succion non nutritive lors d’une ponction veineuse. L’étude doit aussi permettre d’identifier les freins persistants à la sollicitation des parents, pour mieux les lever ; et d’évaluer le vécu parental et la perception des soignants.

À terme, il s’agit de plaider en faveur d’une stratégie antalgique maternelle de routine, réalisable en pratique courante en réanimation néonatale en France. Quoique généralement supposée bénéfique au nouveau-né et aux parents, cette stratégie reste inégalement pratiquée.

En termes concrets, cette recherche est facilitée par le fait que le service d’Élodie Rabatel accueille actuellement près de 200 nouveau-nés grand prématurés et qu’elle n’exige aucune modification de l’organisation des soins, puisqu’un lieu dédié à l’étude existe déjà dans le service, avec du matériel d’analyse dédié (caméra vidéo notamment). Outre les compétences, à la fois en clinique et recherche, de la lauréate puéricultrice, l’équipe est très motivée, car elle associe déjà activement les familles aux soins de leur enfant.

 

Entretien avec Elodie RABATEL

Puéricultrice au CHU de Strasbourg, Élodie Rabatel consacre un projet de recherche à « l’antalgie du nouveau-né prématuré par interventions maternelles lors d’un prélèvement veineux : efficacité, vécu des parents et des soignants ». Dès les premiers instants de vie, le bébé prématuré doit bien souvent subir, en effet, des soins stressants et douloureux, comme des ponctions veineuses. Or, des stratégies antalgiques menées par les parents réduisent la douleur du nouveau-né. Soucieux d’une philosophie des soins de développement centrés sur l’enfant et sa famille, le service de néonatalogie dans lequel travaille Élodie Rabatel encourage la présence des parents auprès de leur enfant, comme partenaires de soin.
  

Pourquoi les professionnels de néonatalogie du CHU de Strasbourg invitent-ils les parents à prendre part aux soins ?

Les actions que nous menons pour favoriser la présence et l’implication des parents s’inscrivent pleinement dans la philosophie des soins de développement centrés sur l’enfant et sa famille. Ces soins visent à améliorer le confort et le bien-être des nouveau-nés hospitalisés en répondant à leurs besoins spécifiques, tout en intégrant les parents comme partenaires de soin. Les bienfaits sont prouvés : meilleure stabilité physiologique et comportementale, amélioration du devenir neurologique, renforcement des liens d’attachement et diminution du temps d’hospitalisation. De plus, notre projet de service réside dans la mise en œuvre d’un programme formalisé de soins de développement centrés sur l’enfant et sa famille : le programme NIDCAP (Neonatal Individualized Developmental Care and Assessment Program). Ce programme repose sur une approche individualisée, mettant en avant l’observation et la compréhension des signes spécifiques de chaque nouveau-né vulnérable, afin d’adapter les soins à ses besoins et de renforcer la présence et le rôle des parents au cours de l’hospitalisation.
 

Ailleurs en France, cette pratique est-elle courante ou plutôt rare ?

Venue des pays scandinaves, cette philosophie de soins tend à se généraliser dans toute la France. Elle répond à une demande forte des usagers et ses effets sont scientifiquement prouvés sur la santé du nouveau-né. Tout le monde y gagne ! La Charte du nouveau-né hospitalisé, publiée en 2021, donne les lignes directrices de cette approche et encourage l’implication des parents dans les services de néonatalogie.
 

Quelles formes concrètes la participation parentale ou maternelle peut-elle revêtir ?

Les parents sont impliqués dans les soins de leur nouveau-né le plus tôt possible. Nous les accompagnons pour contenir, rassurer leur bébé durant les soins ou réaliser les changements de couche lorsqu’ils se sentent prêts. Lors des gestes douloureux, ils peuvent apporter une aide à leur enfant dans la gestion de la douleur par le contact vocal ou un enveloppement soutenant ; le peau à peau est également efficace pour réduire la douleur du nouveau-né. Il est considéré comme un véritable soin que seuls les parents peuvent prodiguer, aussi bénéfique au nouveau-né qu’au parent.
 

Quelles sont les modalités pratiques de votre recherche ?

Mon projet de recherche cherche à évaluer l’efficacité, lors d’une ponction veineuse, d’une stratégie antalgique facilement réalisable dans la pratique, utilisant toutes les compétences maternelles. Pour ce faire, chaque nouveau-né inclus dans cette étude, au cours de deux ponctions veineuses nécessaires à ses soins, bénéficiera de deux stratégies antalgiques différentes : l’une menée par le soignant (succion non nutritive associée à une solution sucrée, enveloppement dans un lange) et l’autre menée par la mère dans une approche multisensorielle. La douleur sera évaluée à l’aide d’une échelle validée et les scores seront comparés entre les deux conditions.
 

Quels objectifs poursuivez-vous à moyen terme ?

Même si la présence des parents est valorisée, elle n’est pas systématique lors des soins douloureux. Les objectifs à moyen terme sont de mieux comprendre les freins à cette implication auprès des soignants et de proposer des actions pour y pallier.