Alors étudiante à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) de Marseille, Manon Vialle a préparé en 2012 une thèse de doctorat sous la direction d’Irène Théry, directrice d’études à l’EHESS et a reçu une Bourse de Recherche de 6 000 euros de la Fondation Mustela.
"L’AMP apparaît comme un excellent laboratoire d’analyse, révélateur de la place qu’occupent les hommes et les femmes autour de la procréation et l’engendrement" : tel est le postulat qui a guidé Manon VIALLE dans sa recherche. En effet, historiquement, une des asymétries masculin/féminin reposait sur le fait que seule la mère était nécessairement connue de manière certaine et qu’elle ne pouvait se détacher de cette réalité biologique sauf à se rendre coupable de crimes punis par le Code pénal. Or, dans le cadre de l’AMP, ce modèle – que Manon Vialle a fait remonter à l’époque romaine – se trouve remis en question. Elle expliquait : "Dans le cas de l’insémination artificielle avec sperme du conjoint (IAC), le père devient aussi certain que la mère (…). Et dans le cas d’un don d’ovocyte (…), c’est la mère qui ne sera pas la génitrice de l’enfant." Autrement dit, l’AMP "conduit à un rapprochement des sexes dans le rapport à la vérité procréatrice : la femme comme l’homme peuvent avoir procréé ou non l’enfant qu’ils engendrent." Ce sont "ces métamorphoses de la parenté" que Manon Vialle a étudié, et plus particulièrement "les représentations contemporaines de la paternité et de la maternité à partir de la façon dont les asymétries masculin/féminin sont vécues, et dans certains cas instituées dans le cadre de l’AMP".
A cet égard, la temporalité – biographique et procréative –a constitué un enjeu d’une particulière richesse : face à elle, hommes et femmes demeuraient dans une position asymétrique. Cette thèse a été nourrie de la littérature existante à l'époque et d’entretiens réalisés tant avec des professionnels que des patientes suivies en PMA.
Entretien avec Manon VIALLE
Après un Master de sociologie à l’université de Provence (Aix-Marseille I), au sein duquel j’ai travaillé sur l’assistance médicale à la procréation, j’ai choisi de consacrer ma thèse à cette même thématique qui s’avère être un excellent laboratoire d’analyse et un puissant révélateur de la place occupée par les hommes et les femmes dans la procréation et l’engendrement.
L’AMP, révélateur des asymétries homme/femme
L’AMP soulève la question de l’asymétrie hommes/femmes, notamment en termes de limite d’âge. Une femme est généralement prise en charge par la sécurité sociale jusqu’à 43 ans – âge moyen du déclin de sa fertilité – et un homme, à qui la sécurité sociale ne pose pas de limite, sera pris en charge jusqu’à 58 ou 59 ans selon la décision de chaque centre d’AMP. La limite d’âge, pour l’homme, est définie socialement : on estime qu’il doit disposer d’une espérance de vie en bonne santé assez longue pour accompagner son enfant jusqu’à la majorité. Dans ce cadre, je souhaite analyser la part des représentations sociales dans la définition de ces limites.
L’autoconservation des ovocytes, révolution technique et sociale
La loi de juillet 2011 relative à la bioéthique a autorisé la vitrification (technique de congélation) des ovocytes en France qui, aujourd’hui,se pratique d’ores et déjà dans quelques centres d’AMP. Or, cette technique apparaît comme une alternative à l’inéluctabilité de l’infertilité féminine liée à l’âge. Ainsi, cette possibilité de préservation autonome et personnelle de la fertilité des femmes interroge l’asymétrie masculin/féminin vis-à-vis des limites liées à l’âge qui leurs sont posées dans l’accès à l’AMP. Dans le cadre de ma thèse, je souhaite donc analyser les représentations et le vécu de la possibilité d’une autoconservation des gamètes féminins, notamment par une enquête d’opinion auprès de professionnels et de patientes suivies en AMP. De cette manière, je souhaite améliorer la compréhension des asymétries masculin/féminin,les connaissances générales sur l’AMP et au-delà, les métamorphoses actuelles de la parenté.