Accompagner les mères migrantes. Urgence morale et régulation des maternités vulnérables

Anthropologue, Hanan Sfalti consacre sa thèse au sujet suivant : "Accompagner les mères migrantes. Urgence morale et régulation des maternités vulnérables" à l’université Toulouse Jean Jaurès. Cette recherche se situe à l’intersection de plusieurs champs d’étude : sociologie des migrations, du genre, de la maternité et anthropologie morale de l’enfance et de l’État. Elle doit permettre de mieux comprendre le "traitement administratif" des femmes migrantes et les processus à l’oeuvre dans la construction des subjectivités maternelles.

Dans une démarche de type ethnographique, Hanan Sfalti s’est immergée dans trois structures : une association, un centre d’action sociale et une PMI. Elle s’apprête désormais à réaliser plusieurs semaines d’observation au sein d’une quatrième et dernière structure qui propose un accueil de jour aux femmes seules ou accompagnées de leurs enfants en situation d’errance. Toutes les observations sont complétées par des entretiens avec les usagères de ces structures, les travailleurs(ses) et les bénévoles et par l’analyse de données statistiques.

Au-delà d’une meilleure connaissance du parcours des mères migrantes, la thèse de Hanan Sfalti sera très utile aux acteurs de la petite enfance. En renouvelant le regard porté sur l’accueil et l’accompagnement à la parentalité, elle permettra d’améliorer les politiques de protection de l’enfance.
 

Entretien avec Hanan SFALTI

Anthropologue, Hanan Sfalti consacre sa thèse à "l’accompagnement des mères migrantes. Urgence morale et régulation des maternités vulnérables" à l’université Toulouse-Jean Jaurès. Cette recherche vise à mieux connaître le parcours des femmes migrantes, notamment sur le plan administratif, et la construction de l’identité maternelle dans les circonstances particulières et souvent douloureuses de la migration.
 

Comment l’idée vous est-elle venue de travailler sur cette question ?

J’ai voulu consacrer ma thèse aux parcours des mères en situation de migration car elles sont souvent peu évoquées lorsqu’on parle des questions migratoires. La plupart du temps, les médias parlent de l’expérience des hommes célibataires. Pourtant, les femmes sont aujourd’hui majoritaires dans les migrations mondiales. De plus, leur situation et leur prise en charge par les structures associatives sont très différentes de celles des hommes. Analyser le parcours des mères en situation de migration peut servir à comprendre les politiques contemporaines d’accueil et d’encadrement des populations migrantes. Cela peut également permettre de mieux appréhender les formes actuelles de régulation des conduites maternelles.
 

Quelles sont vos hypothèses sur le parcours de ces femmes…

J’essaye de comprendre comment l’expérience migratoire crée une rupture dans le parcours des mères migrantes. En effet, qu’elles aient fait des études supérieures ou n’aient jamais été scolarisées, qu’elles aient travaillé ou non dans leur pays d’origine, leur position dans l’espace social a radicalement changé à leur arrivée en France. Elles sont souvent perçues comme un groupe homogène : ce sont des mères migrantes dans le besoin. J’essaye donc de restituer leur parcours afin de montrer que ces femmes sont bien plus que des statistiques migratoires et des êtres vulnérables.
 

… et sur les modalités de leur accueil en France ?

Je m’intéresse aux représentations ambivalentes qu’a la société des mères en situation de migration. En effet, elles sont considérées comme vulnérables en tant que mères précaires. Mais elles sont également majoritairement représentées comme "indésirables" en tant que migrantes. Mon travail cherche à comprendre comment ces deux figures s’opposent, s’articulent et évoluent pour participer à la construction d’une image spécifique des mères migrantes.

J’étudie également la façon dont la prise en charge des mères proposée par des structures d’accompagnement régule les pratiques maternelles en modifiant les conduites, les subjectivités et les affects. En effet, les structures associatives et publiques ne leur proposent pas uniquement du soutien. Elles participent également à la régulation des manières conformes d’être mère.
 

Dans quelles structures vous êtes-vous immergée pour vos observations ?

Pour des raisons d’anonymat et de confidentialité, je ne peux pas donner les noms des structures qui me permettent de faire mon travail de recherche.

Je suis immergée dans une association qui distribue des colis d’urgence aux mères isolées précaires. Prochainement, je ferai également des observations dans une association qui propose un accueil de jour aux femmes dont l’hébergement est précaire.
J’ai également réalisé des observations dans deux structures publiques. La première, un Centre Communal d’Action Sociale (CCAS), propose un accompagnement social aux personnes précaires et/ou sans domicile fixe. Je me suis également immergée dans des centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI). Les PMI proposent un suivi médical aux femmes enceintes et à leurs bébés.

L’observation de ces structures, ainsi que les entretiens menés avec leurs bénéficiaires, m’aident à comprendre la situation des mères en situation de migration.
 

Quelles applications pratiques attendez-vous de ces résultats ?

J’espère que mon travail de recherche contribuera aux réflexions sur les politiques d’accueil des migrant(e)s et sur l’accompagnement à la parentalité. J’espère également qu’il aidera les structures associatives et publiques à mieux comprendre les difficultés et les besoins des mères en situation de migration et de leurs enfants et ainsi à mieux les accompagner.