Conjugalité et communication triadique durant la période périnatale

La psychologue Jessica Letot a été récompensée pour son projet de doctorat intitulé : "Conjugalité et communication triadique durant la période périnatale" à l’université de Paris Cité. Comment évoluent les relations triadiques mère-père-enfant avant et après la naissance ? Quelles relations entretiennent-elles avec la conjugalité et la coparentalité ?

Si ces trois termes sont liés, ils ont rarement été étudiés dans leurs rapports les uns aux autres. C’est cette lacune que la jeune lauréate cherche à combler grâce à une vaste étude en deux volets, menée en partenariat avec le pôle mère-enfant de l’hôpital Jacques Monod et l’unité Panda du service de pédopsychiatrie, au Havre (76), ainsi que le service de néonatalogie du l’hôpital Louis Mourier, à Colombes (92).

Dans l’échantillon de 90 triades père-mère-bébé qui nourrira sa recherche, Jessica Letot souhaite inclure des mères présentant un trouble psychopathologique ainsi que des familles confrontées à une naissance prématurée de l’enfant. Le recueil des données et les entretiens auront lieu en suites de couches, à un mois post-partum et trois mois postpartum.

Jessica Letot souhaite ainsi décrire les relations père-mère et leur lien avec le risque de dépression prénatale ; ainsi que la communication triadique à la naissance et après, y compris dans une situation de psychopathologie parentale ou de naissance prématurée. Objectif : repérer au plus tôt d’éventuelles difficultés et ainsi favoriser un meilleur accompagnement des parents.

 

Entretien avec Jessica LETOT

Doctorante et chargée de cours à l’université Paris Cité, Jessica Letot consacre sa thèse à "la conjugalité, la coparentalité et la communication triadique durant la période périnatale". Objectif : comprendre comment ces trois membres de la "triade" trouvent chacun leur place dans ces échanges précoces et l’influence sur eux de la conjugalité, y compris en cas de naissance prématurée ou psychopathologie parentale.
 

Vous vous intéressez à la dépression prénatale, un sujet original et méconnu. Pourquoi ?

La dépression prénatale peut avoir une influence sur le lien entre le parent et le bébé dès la grossesse. En effet, l’attachement au fœtus peut se révéler plus faible chez les parents ayant des symptômes dépressifs. Or cette dépression peut persister en post-partum, au détriment d’interactions parents-bébé de qualité. Il nous semble donc essentiel d’investiguer si certaines dimensions du couple peuvent constituer un facteur de risque de la dépression prénatale, afin de mieux la repérer et donc de permettre une intervention précoce.
 

Vous étudiez les liens entre alliance familiale, parentalité et conjugalité. Quelles sont vos principales hypothèses ?

Notre première hypothèse est qu’un faible soutien conjugal constitue un facteur de risque de la dépression anténatale. La seconde hypothèse est qu’un faible soutien conjugal influence la relation coparentale, laquelle sera de plus mauvaise qualité, avec un impact négatif aussi sur l’alliance familiale.

 

Quels peuvent être les effets d’une psychopathologie parentale ou d’une naissance prématurée sur le couple et la famille ?

La présence d’un trouble psychopathologique chez l’un des deux parents est un facteur de risque pour les interactions parents-bébé, qui peuvent être marquées par des ruptures dans les échanges, un décalage temporel entre le bébé et la réponse parentale, des stimulations trop répétitives ou intrusives. Concernant la relation conjugale, des symptômes de dépression post-partum peuvent notamment augmenter l’insatisfaction conjugale, la manière dont on soutient son(sa) conjoint(e) face au stress et dont on communique son propre stress. Quant à la prématurité, elle peut également entraîner plus de comportements intrusifs du parent dans les interactions triadiques avec le bébé. Dans ce contexte, il s’avère plus difficile de faire la transition entre ses rôles de conjoint(e) et de parent.
 

Quelle sera votre méthode de travail ?

J’utiliserai des questionnaires pour évaluer la relation coparentale, les stratégies d’adaptation face au stress dans le couple, le soutien conjugal, la symptomatologie dépressive et le traumatisme lié à l’accouchement. Concernant l’alliance familiale et les interactions triadiques, j’effectuerai des observations filmées. Pour finir, des entretiens permettront d’investiguer la présence de troubles psychopathologiques chez les parents.
 

Comment améliorer l’accompagnement des couples et des familles ?

D’une part, en sensibilisant les professionnels (gynécologues, sage-femmes…) au repérage précoce de facteurs de risque de la dépression anténatale et aux difficultés en lien avec la conjugalité et la parentalité dans le post-partum immédiat. Pour mieux repérer les difficultés et diminuer leur impact sur le développement du bébé et la relation parent-enfant, il faut une intervention plus précoce. D’autre part, en proposant un accompagnement qui ne soit pas uniquement centré sur les dyades mère-enfant ou père-enfant, mais qui inclue les deux parents et prenne en compte la dimension conjugale et le contexte, avec les difficultés éventuelles pour l’interaction parents-bébé : population tout-venant, psychopathologie parentale, prématurité de l’enfant.