Laura Robert a reçu une Bourse de Recherche pour l’enfance, pour sa thèse en psychologie clinique consacrée à "l’évolution des alliances autour du bébé lors d’un placement en urgence (EVALLIBB)", menée à l’université de Franche Comté.
Née de discussions avec les professionnels du placement d’urgence de deux établissements, cette recherche doit permettre de mieux cerner les spécificités d’une décision de placement dans le cas d’un bébé. En effet, suite à cette situation d’urgence, il doit être statué sur une solution pérenne : un retour en famille ou un placement à plus long terme, collectif ou en famille d’accueil. Les professionnels doivent donc être à même d’évaluer la réalité familiale, les compétences des parents et les besoins du bébé. En outre, ils doivent collaborer avec les familles dans l’intérêt de l’enfant. Or très peu d’études s’intéressent au placement des bébés.
Les résultats de cette thèse seront partagés avec les professionnels et les familles concernés et au-delà, avec la communauté scientifique lors de présentations écrites et orales.
Entretien avec Laura ROBERT
Psychologue clinicienne au CDEF Besançon (placement d’urgence et situations complexes), Laura Robert enseigne à l’université de Franche-Comté. Elle consacre sa thèse à "l’évolution des alliances autour du bébé lors d’un placement en urgence (EVALLIBB)".
Comment l’idée de ce projet est-elle née ?
Lors de mon premier stage dans un établissement de placement en urgence, j’ai travaillé auprès des enfants en pouponnière sur les questions d’attachement et de construction des compétences émotionnelles. La double spécificité – celle du placement du bébé et celle du placement en urgence –m’a interpelée et j’ai voulu chercher plus loin. Or Denis Mellier, mon directeur de thèse – qui est professeur de psychologie clinique et psychopathologie – est familier de ce domaine. Il a soutenu mon projet, tout en notant le nombre insuffisant de travaux sur le sujet, en dépit des effets cruciaux sur l’avenir des bébés et de leurs parents. Nous travaillons avec Romuald Jean-Dit-Pannel, maître de conférences en psychologie clinique, qui se concentre sur la clinique de la famille et de la parentalité.
Comment les décisions de placement sont-elles adoptées à l’heure actuelle ?
Les décisions de placement peuvent se prendre dans un cadre administratif, directement entre l’Aide Sociale à l’Enfance et les parents ; ou dans un cadre judiciaire : elles sont alors prononcées par un juge des enfants. Les décisions judiciaires sont les plus nombreuses. Elles sont la conséquence de difficultés à assumer un rôle parental, de carences éducatives et affectives, de violences intrafamiliales. Au 31 décembre 2020, 308 000 mineurs en France bénéficiaient d’au moins une mesure en protection de l’enfance, soit 21,4 ‰ des mineurs. La même année, on dénombrait 102 678 saisines du juge des enfants. Pourtant, à l’heure actuelle, à notre connaissance, nous ne disposons pas de chiffres concernant précisément les enfants de moins de trois ans. L’Observatoire National de la Protection de l’Enfance développe actuellement un programme (baptisé OLINPE) dans l’objectif d’obtenir des données chiffrées plus précises.
Pourquoi est-il important de renforcer les "alliances entre parents et professionnels" autour du bébé ?
Le rôle du placement d’urgence est d’abord de mettre en sécurité le bébé et de lui apporter des réponses quant à ses besoins fondamentaux. Ensuite, son rôle est de préconiser le type d’accompagnement nécessaire pour que la situation évolue au mieux : les parents seront donc amenés à continuer de travailler avec des services de protection de l’enfance. Ces parents se trouvent dans des difficultés profondes qui peuvent les empêcher de demander de l’aide, ce qui peut paraître à priori paradoxal ! D’ailleurs, souvent, hors drames imprévus, le placement en urgence arrive après d’autres mesures qui n’ont pas fonctionné. Il est également important de travailler à ce que l’environnement autour du bébé soit de qualité en termes de continuité d’expérience, d’attention et de soins réels et psychiques, puisque son développement en dépend.
Quelle hypothèse formulez-vous ? Quels résultats concrets attendez-vous de cette recherche ?
La période du placement d’urgence est très délicate, puisqu’elle survient en pleine crise du système familial. Pour autant, peu de travaux s’y intéressent. Et les professionnels peinent à nommer les émotions intenses et les angoisses qui les traversent en prenant soin du bébé ! Mon hypothèse est que cette période charnière peut permettre de dépasser les difficultés de collaboration en identifiant les leviers efficaces.
Ma recherche aidera aussi à mieux comprendre la spécificité du placement du bébé dans le cadre de l’urgence. Ainsi, des préconisations pourront être faites aux différents intervenants. Nous devrions également pouvoir dégager des pistes de travail pour élargir le champ de la recherche aux autres acteurs impliqués : professionnels de la protection de l’enfance, magistrats.