Devenir des professionnelles du care. Histoire de la formation des professionnelles de la petite enfance, France, 1947-2011

Zoé Poli a reçu une Bourse de Recherche pour sa thèse en histoire sur le sujet suivant : "Devenir des professionnelles du care. Histoire de la formation des professionnelles de la petite enfance, France, 1947-2011", menée à l’université Lumière Lyon 2.

À la rencontre entre histoire de l’éducation et de la formation professionnelle, histoire du travail des femmes et de la petite enfance, ce projet vise à comprendre la manière dont les métiers d’auxiliaire de puériculture et de puéricultrice se sont construits durant la seconde moitié du 20e siècle.

Pour étudier « ces formations construites pour les jeunes femmes des classes populaires », Zoé Poli s’appuie sur trois sources différentes : archives des écoles (copies, correspondance et renseignements personnels) ; archives des ministères de la santé et de l’éducation (comptes-rendus de commissions professionnelles, textes législatifs) ; entretiens avec d’anciennes élèves et formatrices des écoles étudiées.

Parmi les questions qui sous-tendent sa recherche : comment des compétences domestiques sont-elles devenues des techniques professionnelles ? Comment les premières générations de diplômées envisageaient elles-mêmes leur formation ? Et quel rôle cette formation a-t-elle joué dans leur vie ? Les a-t-elle émancipées et si oui, dans quelle mesure ?

Autant d’interrogations qui font écho aux difficultés actuelles de recrutement dans les structures d’accueil des jeunes enfants…

 

Entretien avec Zoé POLI

Historienne, Zoé Poli consacre sa thèse au sujet suivant : « Devenir des professionnelles du care. Histoire de la formation des professionnelles de la petite enfance, France, 1947-2011 » (université Lumière Lyon 2). À la rencontre entre histoire du travail des femmes et histoire de la petite enfance, cette recherche vise à comprendre la manière dont les métiers d’auxiliaire de puériculture et de puéricultrice se sont construits durant la seconde moitié du 20e siècle.
 

Comment la formation des professionnelles de la petite enfance s’est-elle structurée après la Seconde Guerre mondiale ?

Ma recherche s’ouvre en 1947, l’année d’adoption du décret qui crée les diplômes de puéricultrice et d’auxiliaire de puériculture. On observe alors une multiplication des écoles, publiques ou privées (notamment de la Croix Rouge) et la création d’associations professionnelles. Pour comprendre la structuration de ces formations, il faut prendre en compte le contexte : lutte contre la mortalité infantile, « démocratisation » scolaire, essor du travail salarié des femmes et multiplication des lieux d’accueil.
 

Pourquoi ce type de formation a-t-il surtout attiré des jeunes femmes des milieux populaires ?

L’entrée en école d’auxiliaires de puériculture s’effectue sans condition de diplôme : les formations que j’étudie sont donc accessibles aux jeunes femmes dont la scolarité a été interrompue après l’école primaire. Par ailleurs, certaines écoles affichent leur volonté de recruter des élèves parmi les classes populaires en milieu rural et réservent un pourcentage de places aux filles de l’Assistance publique (aujourd’hui l’Aide sociale à l’enfance).
 

Quelles sont vos hypothèses sur le rôle émancipateur de cette formation ?

Si les filières professionnelles sont souvent perçues, aujourd’hui, comme des voies de relégation, elles représentent, dans la seconde moitié du 20e siècle, une opportunité de poursuite des scolarités pour les jeunes femmes issues des classes populaires. Certaines poursuivent leur formation en école d’infirmières ou suivent la formation de puéricultrice.
 

Comment les « compétences domestiques » sont-elles devenues « professionnelles » ?

C’est l’une des questions centrales que pose mon travail de thèse. La professionnalisation des métiers de care – soit, dans les mots de la psychologue française Pascale Molinier, l’ensemble « des activités spécialisées où le souci des autres est explicitement au centre » – passe par la certification de compétences par les diplômes, le développement des savoirs médicaux et psychologiques sur la petite enfance, le développement des modes d’accueil des enfants en âge préscolaire etc. Dans ma thèse, je m’intéresse à l’encadrement institutionnel de ces formations, aux débats et réflexions qui entourent la création des programmes et des diplômes, mais aussi, et surtout, au quotidien de l’apprentissage. Quels gestes, quelles techniques, quels savoir-faire et savoir-être sont-ils transmis dans les écoles ?
 

Sur quelles sources votre recherche s’appuie-t-elle ?

Ma recherche s’appuie principalement sur les dossiers d’élèves de cinq écoles d’auxiliaires de puériculture et une école de puéricultrices. Les dossiers me permettent de restituer les profils sociologiques des élèves ayant fréquenté les écoles (à partir de fiches de renseignement individuelles), de travailler sur leurs copies d’examen (notamment les examens dits de morale professionnelle), les évaluations des élèves durant leurs stages, la correspondance entre la direction des écoles et les parents ou les élèves. À l’échelle nationale, je m’appuie sur des enquêtes des années 1970 menées à l’initiative du ministère de la santé, qui concernent l’ensemble des écoles d’auxiliaires de puériculture et de puéricultrices, ainsi que des comptes-rendus de réunion de la Commission chargée de l’enseignement de la puériculture. Je réalise enfin des entretiens avec d’anciennes élèves et formatrices des écoles étudiées.