Etude des retards diagnostiques de la maltraitance physique du jeune enfant

Sage-femme épidémiologiste au CHU de Nantes, Flora Blangis a remporté le Prix de Pédiatrie Sociale pour un projet consacré à "l’étude des retards diagnostiques de la maltraitance physique du jeune enfant". Outre Flora Blangis, l’équipe en charge du projet a associé des pédiatres au CHU de Nantes et à l’hôpital Necker-Enfants malades, ainsi que des chercheurs et professionnels socio-éducatifs.

Dans le cadre de recherches antérieures et de discussions avec les pédiatres, Flora Blangis a constaté une grande hétérogénéité dans les connaissances et les pratiques des médecins de soins primaires dans le repérage et l’accompagnement des enfants suspects de maltraitance. Pour combler les besoins d’information et de formation que cette méconnaissance révèle, la chercheuse a mené à bien une recherche au sein de l’Unité d’Accueil des Enfants en Danger (UAED) du CHU de Nantes en lien avec une équipe de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

Les parcours de soins de 200 enfants admis au CHU de Nantes avec suspicion de maltraitance ayant été recueillis, leur analyse a permis d’identifier des pistes d’amélioration du parcours de ces enfants, notamment grâce à un meilleur repérage diagnostique et à des mesures d’alerte rapides. En outre, une vidéo d’animation pédagogique a été réalisée avec les pédiatres de l’UAED puis diffusée auprès des médecins, avec une évaluation des connaissances avant et après visionnage. Parallèlement, une publication à caractère scientifique sur les délais diagnostiques des maltraitances physiques de l’enfant a eu lieu en 2020.

Entretien avec Flora BLANGIS

Sage-femme épidémiologiste, Flora Blangis a remporté le Prix de Pédiatrie Sociale 2019 pour son projet consacré à « l’étude des retards diagnostiques de la maltraitance physique du jeune enfant » à l’Unité d’Accueil des Enfants en Danger (UAED) du CHU de Nantes, en lien avec l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). À sa recherche est associée une équipe de pédiatres du CHU de Nantes et de l’hôpital Necker-Enfants malades, ainsi que des chercheurs et professionnels socio-éducatifs.
 

Que sait-on aujourd’hui de la maltraitance infantile en France, et des retards à la diagnostiquer ?

La maltraitance physique infantile est définie par toute forme de mauvais traitements physiques entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir. La maltraitance physique concerne 4 à 16 % des mineurs dans les pays à économies avancées. Son diagnostic est complexe et repose sur l’anamnèse, les examens cliniques, biologiques et d’imagerie pouvant exposer à un risque de retard diagnostique et de récidive. La maltraitance physique est associée potentiellement à des séquelles physiques graves, voire au décès, mais aussi à des troubles du développement et leurs conséquences à l’âge adulte. Malgré ces éléments inquiétants, les quelques données disponibles aux États-Unis et au Canada indiquent une fréquence élevée de retards diagnostiques : 20 à 33 % en cas de fracture infligée et 20 % en cas d’infanticide.
 

Comment expliquer de tels retards ?

Parmi les causes potentielles de ces retards, les hypothèses reposent sur une mauvaise interprétation des symptômes d’appel par les adultes en situation de responsabilité ou les infirmiers et médecins en première ligne en soins primaires (médecine libérale, scolaire, PMI ou urgences), mais aussi sur une hétérogénéité dans le recours aux examens complémentaires en cas de suspicion de maltraitance physique.
 

Que révèle l’analyse des parcours de soins des 200 enfants inclus dans votre étude ?

Les résultats préliminaires (portant sur 135 enfants) concernent des enfants âgés de 5 mois à 2,5 ans (âge médian de 1 an). La première consultation médicale avait été effectuée dans un service d’urgences pédiatriques dans la majorité des cas (60 %) et chez le médecin généraliste dans 22 % des cas. Cette première consultation médicale a été initiée par une autre personne que les parents dans 24 % des cas, parmi lesquels quatre ont été conduits aux urgences pédiatriques sur demande des forces de l’ordre. Les signes évocateurs de maltraitance physique étaient des ecchymoses (43 %), des fractures (16 %), des brûlures (14 %), des lésions intracrâniennes (11 %). Au moins une consultation antérieure au diagnostic de traumatisme infligé, considérée comme une potentielle occasion diagnostique manquée, a été retrouvée chez 31 % des enfants, dont 6 pour traumatisme crânien, 2 pour ecchymoses, 2 pour fracture d’un membre, 1 pour brûlure, 1 pour pleurs inexpliqués et 2 pour malaise.
 

Quels sont les professionnels les plus concernés par le repérage de la maltraitance infantile ?

Les professionnels de la petite enfance (personnels de crèche, enseignants, services sociaux) et les professionnels de santé (principalement les médecins généralistes, les pédiatres, les équipes PMI, les sages-femmes et les médecins et pédiatres urgentistes) sont concernés par le repérage de la maltraitance infantile. Face à une suspicion de maltraitance infantile, un professionnel doit pouvoir s’entourer d’autres professionnels et en discuter dans le respect du secret partagé.
 

Quels seront les débouchés pratiques de votre recherche ?

La mise en évidence d’une fréquence élevée des prises en charge non optimales et l’identification des circonstances d’erreurs permettront de proposer des actions ciblées pour l’amélioration des pratiques et la réduction des délais diagnostiques. Ces connaissances nouvelles seront diffusées sous la forme d’une vidéo d’animation reprenant les principaux résultats sur les signes qui doivent alerter et la démarche à suivre en cas de suspicion de maltraitance infantile. Cette action d’enseignement en ligne sera évaluée par une mesure des connaissances avant et après avoir visionné la vidéo. Les bénéfices attendus pour les enfants et la santé publique sont donc un diagnostic plus rapide de la maltraitance physique avec une diminution de la récidive des violences et de la morbi-mortalité qui s’y rapportent.